Chariots d'occasion : affaires ou arnaques ?
On trouve partout du matériel de manutention à des prix défiant toute concurrence, des enchères sur internet aux prix “spécial salon". Comment savoir si ces offres sont à la hauteur des promesses ?
S’il y a bien un sujet que les lecteurs de ManuTrucs souhaitent voir développé plus que tout autre, il s’agit de l’achat de matériel d’occasion en France. Si vous faites partie de ceux qui avaient demandé que nous traitions le sujet, faites-nous part de vos expériences.
Quand acheter d’occasion ?
Il y a en ce moment de belles affaires à réaliser en matériel d’occasion, mais les achats neufs sont également très attractifs : il est donc important de choisir la meilleure option.
Comme pour l’achat d’une voiture d’occasion, il se peut que le vendeur cherche à dissimuler certains problèmes : les réparations peuvent s’avérer très coûteuses. Il vous appartient donc d’opter pour un vendeur ayant pignon sur rue et d’examiner le chariot à fond avant achat.
Si la marche de votre entreprise dépend d’un type de chariot élévateur très spécifique, il est peu prudent de miser sur un achat d’occasion. Avant d’opter pour du matériel d’occasion, posez-vous les questions suivantes :
- Le risque encouru par votre entreprise en cas de panne majeure est-il important ?
- Est-ce que l’utilisation du chariot est particulièrement intensive ?
- Le chariot sera-t-il utilisé plus de quatre heures par jour ?
Si vous avez répondu “oui” à l’une de ces questions, il est nettement préférable d’opter pour un chariot neuf. De même, si le chariot que vous utilisez est absolument vital pour la marche de votre entreprise, s’équiper d’un chariot de secours d’occasion est une sage précaution. Quels que soient vos besoins, utilisez la check-list suivante pour parvenir à la bonne décision…
1 : Le chariot est-il adapté à l’utilisation prévue ?
Que vous ayez ou non choisi entre occasion et neuf, demandez à au moins trois revendeurs de venir voir vos locaux et de faire des devis en matériel neuf et d’occasion.
Lorsqu’il s’agit de matériel d’occasion, les revendeurs auront tendance à proposer un devis sur la base des chariots qu’ils ont en stock plutôt qu’à rechercher la machine la plus adaptée à vos besoins. En général, leur offre en matière de matériel neuf collera bien mieux à vos besoins.
En demandant plusieurs devis, il vous sera facile de cerner les différences en termes de capacité, de hauteur de mât ou de type de chariot.
2 : Choisissez une marque qui inspire confiance
Toutes les marques de matériel n’offrent pas la même longévité. Choisissez un fabricant à la réputation établie en matière de fiabilité : vous éviterez ainsi bien des pannes et des réparations onéreuses lorsque ce matériel vieillira, et sa valeur de revente sera également meilleure. Choisir un fabricant réputé, c’est s’assurer une meilleure valeur de revente et avoir la certitude que l’on pourra trouver les pièces détachées même dans le long terme.
De la même façon, choisissez le concessionnaire ayant la meilleure réputation dans votre région. Si besoin, pour vous assurer que vous avez trouvé le bon concessionnaire, n’hésitez pas à lui demander des références de la part de ses clients.
Enfin, choisissez de préférence un concessionnaire qui soit affilié à une association professionnelle de niveau national ou européen. C’est une assurance supplémentaire de son honnêteté et de la qualité de son service client.
3 : Vérifiez les papiers
- Vérifiez que l’estampille CE est apposée sur le chariot
- Vérifiez que la plaque portant les numéros de série (avec le nom et l’adresse du constructeur) et la plaque mentionnant les charges utiles sont bien écrites en français
- Vérifiez que l’estampille CE est rédigée en français
- Vérifiez que le manuel de référence du chariot est rédigé en français
- Vérifiez que les étiquettes et les avertissements du chariot sont rédigés en français
Assurez-vous que le chariot porte bien l’estampille CE prouvant qu’il est homologué pour une utilisation en Europe. On trouve de plus en plus sur le marché de matériel d’importation non conforme (sans estampille CE). Ce genre de matériel est très difficile à revendre, les pièces détachées ne sont pas forcément disponibles et, pire encore, votre assurance risque de ne pas vous couvrir en cas d’accident. Pour plus d’informations sur les imports non conformes, lire cet article
4 : Combien d’heures au compteur ?
Comme vous le feriez pour une voiture, vérifiez systématiquement l’horamètre (compteur d’heures).
Etablissez une comparaison avec un kilométrage de voiture : qu’attendriez-vous d’une voiture avec 150 000 km au compteur ? Les experts en chariots élévateurs indiquent qu’une heure au compteur d’un chariot équivaut à 50 km parcourus pour une voiture. Pour un chariot, effectuer 1500 heures dans l’année équivaut à 75 000 km pour une voiture !
La règle d’or consiste à ne sélectionner que les chariots qui ont effectué moins de 1000 heures par an depuis leur mise en service.
Cependant, soyez prudent(e) : comme pour les voitures d’occasion, les horamètres peuvent être trafiqués par un vendeur indélicat. Pour vous assurer de la validité du nombre d’heures indiqué, exigez le carnet d’entretien (comme pour une voiture) : vous pourrez ainsi vous assurer que l’entretien a été effectué correctement.
5 : Faites un essai
Il est vital d’examiner et d’essayer tout matériel de manutention d’occasion avant achat. C’est particulièrement vrai pour les chariots achetés sur Internet. Plusieurs techniciens ont en effet constaté des problèmes sur des chariots achetés en ligne.
Dans le cas des chariots à moteurs thermiques, il est important de faire un essai de démarrage à froid. Vérifiez que le moteur démarre facilement et que l’échappement ne fume pas de façon anormale.
Pour éprouver les performances du chariot en phase d’utilisation, demandez à un cariste qualifié d’essayer le chariot en marche avant et en marche arrière sur une rampe inclinée.
6 : Détectez les fuites
Lorsque vous examinez un chariot à moteur thermique, effectuez cet essai très simple : garez le chariot sur une surface propre et demandez à un cariste qualifié d’actionner toutes les fonctions hydrauliques durant 10 à 15 minutes.
Une fois cet essai terminé, déplacez le chariot et recherchez d’éventuelles fuites de liquide hydraulique. Mêmes les petites fuites indiquent des réparations potentiellement coûteuses dans un avenir proche, surtout si elles proviennent de la transmission.
7 : Fonctionnement du mât
Vérifiez que le mât fonctionne bien en charge et à vide. Le mât ne doit pas “coller”, il ne doit pas y avoir de jeu entre les différentes sections du mât ou entre les fourches de levage et le mât. Le mât et les chaînes doivent toujours être vérifiés par un personnel compétent.
En charge, vérifiez que le mât ne descend pas et ne pivote pas vers l’avant, même d’un seul millimètre. Cette anomalie indique potentiellement un problème de joints, de soupape ou de vérin.
Vérifiez que le mât et le porte-charge cadrent avec les données de la plaque de charge. Il se peut que le mât ait été remplacé, un détail que l’on oublie souvent.
Si le porte-fourches est doté de la fonction de déplacement latéral, vérifiez que ce dernier coulisse aisément à vide et en charge.
8 : Fourches
Vérifiez le degré d’usure des fourches en faisant particulièrement attention aux points suivants :
- Talon de fourche : l’épaisseur minimale de cette section est déterminée par le constructeur. Si cette donnée n’est pas connue, on peut se référer à la norme ISO 5057.
- Serrage : un serrage lâche peut indiquer des points d’attaches usés.
- Fissures : recherchez visuellement la présence de fissures au niveau des talons et des points d’attaches
9 : Que couvre la garantie ?
Demandez toujours à voir les documents de garantie et étudiez les points suivants :
- Quelle est la durée de la garantie ?
- Qu’est-ce qui est couvert ?
- Quelles sont les exclusions de garantie ?
Pour votre tranquillité d’esprit, vous pouvez demander une extension de la garantie pour les batteries.
Il est important de noter que la plupart des garanties ne s’appliquent qu’aux chariots achetés neufs et se terminent dès la revente. Mais certaines garanties sont transférables à un nouvel acquéreur. C’est par exemple le cas de la garantie étendue de Mitsubishi Forklift Trucks.
10 : Cherchez la bonne affaire parmi les engins de location ou de démonstration
Un ancien chariot de location représente souvent une bonne solution pour un véhicule de secours. Les machines de location sont normalement bien entretenues et revendues après quelques années d’utilisation. Un chariot à moteur thermique appartenant à une entreprise effectue en moyenne 1500 heures par an et sera typiquement repris par le concessionnaire au bout de 7 ans (10 ans pour un chariot électrique). En comparaison, un chariot en location à court terme tourne souvent bien moins de 1000 heures par an et il est revendu au bout de 3 à 5 ans.
De même, un modèle de démonstration aura vraisemblablement très peu d’heures au compteur.
11 : Quel est l’état de la batterie ?
Sur un chariot électrique, la batterie est une pièce très chère à remplacer et détermine en grande partie le prix de l’engin. Sur un chariot neuf, la batterie représente environ 30 % du prix d’achat ; après 5 ans, elle peut représenter 40 % du prix ou davantage.
Pour évaluer la tenue en charge de la batterie d’un chariot électrique frontal d’occasion, vous pouvez utiliser la règle suivante : la durée de vie d’une batterie est d’environ 1200 cycles de charge et on obtient environ 5 heures d’utilisation par charge.
En divisant le nombre d’heures de l’horamètre par 5, vous pouvez ainsi évaluer le nombre de charge que la batterie pourra encore effectuer. Prenons l’exemple d’un chariot avec 3500 heures au compteur :
- 3500 heures divisé par 5 = 700 cycles de charge déjà effectués.
- 1200 – 700 = 500 cycles de charge de batterie restants
- 500 charges de batterie x 5 heures = une espérance de fonctionnement de 2500 heures
Pour déterminer ce que l’espérance de vie de la batterie signifie dans le cadre de votre entreprise, il vous suffit de multiplier la durée d’utilisation hebdomadaire du chariot par 52. Si le chariot doit être utilisé 24 heures par semaine, votre utilisation annuelle sera de 1248 heures. Cela signifie que la batterie devra être remplacée dans 2 ans.
Pour vérifier l’état de la batterie, cherchez la présence d’un dépôt de cristaux blancs sur les plaques. Cela peut indiquer l’apparition d’un dépôt de sulfates, qui se produit lorsque le soufre de l’acide des batteries se dépose sur les plaques en plomb. Ces cristaux gênent le chargement des batteries. Ce problème est classique dans les environnements de travail chauds et quand les cycles de recharge sont rapprochés. C’est un signe avant-coureur d’usure prématurée de la batterie, qui peut annoncer une panne prochaine.
Il vous est également possible de demander l’avis d’un fabricant de batteries ou d’un concessionnaire en chariots élévateur de confiance. Ces derniers pourront tester la densité relative de l’acide de la batterie et vous indiquer l’état de cet organe crucial.
12 : Vérifiez l’état des pneus
Recherchez des traces d’usures asymétriques sur les pneus : elles indiquent un mauvais parallélisme des roues, un problème coûteux à rectifier.
Vérifiez que le chariot que vous songez à acheter est équipé de pneus adaptés au modèle. Une usure prématurée des pneus représente une dépense importante.
Sur les pneus pleins, recherchez la présence d’une rainure prononcée : sa présence indique que les pneus devront bientôt être remplacés.
Changer les pneus d’un chariot élévateur peut s’avérer onéreux. Mieux vaut donc choisir des pneus adaptés (cliquez ici pour lire un article à ce sujet). Une fois cette précaution prise, rien ne vous empêche de donner un coup de pied au pneu pour l’éprouver…
La check-list des points suspects
Idéalement, rien ne vaut une vérification en profondeur menée par un expert, notamment si votre entreprise dispose de son propre technicien spécialisé. Voici quelques points à contrôler. Vous pouvez imprimer cette liste de contrôle et l’emporter avec vous lorsque vous allez inspecter un chariot élévateur…
- Arrière du dossier du siège ou toit de la cabine endommagé
- Pression d’huile faible
- Joints ou alimentation hydraulique usés
- Radiateur endommagé
- Rouille dans le liquide de refroidissement
- Liquide de transmission décoloré
- Rails du mât tordus ou rayés à l’intérieur
- Rayures importantes sur le mât ou sur les tiges de vérins
- Descente progressive de la charge liée à une mauvaise étanchéité des joints hydrauliques
- Fuite des soupapes de commandes hydrauliques
- Estampille CE absente ou douteuse
- Fourches fissurées, ressoudées, tordues ou très usées
- Jeu dans les rotules et les essieux directeurs
- Fissures de fatigue sur le châssis ou traces de soudure
- Corrosion importante du châssis
- Equipements de sécurité manquants
- Taux d’utilisation très élevé (plus de 1000 heures par an depuis la première mise en service)
- Usure des pneus asymétrique
- Fuites de liquide hydraulique sous le chariot au bout de 10 ou 15 minutes à l’arrêt, moteur au ralenti
- Bruit de moteur excessif lorsque le chariot travaille en charge
- Résidu ayant l’aspect de suie dans le tuyau d’échappement
- Freinage saccadé, mettant le chariot en travers
- Manuel de l’utilisateur rédigé dans une langue autre que le français
Conclusion
Si vous avez besoin d’un chariot élévateur d’appoint ou de secours, acheter d’occasion peut être une bonne solution. Dans la mesure du possible, essayez de demander au vendeur de vous louer l’engin en question l’espace de quelques semaines avant de prendre une décision. Si la marche de votre entreprise en dépend, mieux vaut acheter un chariot neuf, si possible avec une extension de garantie. Quelle que soit votre décision, traitez cet achat comme vous le feriez pour une voiture : choisissez une marque connue pour sa fiabilité.
- A retenir
- Demandez des devis pour des modèles neufs et d’occasion aux concessionnaires
- Faites-vous assister par un technicien compétent pour aller examiner les engins
- Evaluez les avantages et les inconvénients des solutions achat et location